Manager une équipe hybride sans créer d’injustices
Manager une équipe hybride, ce n’est pas seulement jongler entre présence et distance.
C’est composer avec des attentes contradictoires, des perceptions biaisées et des effets d’injustice souvent involontaires.
Alors que le travail hybride devient la norme, les managers se retrouvent face à un dilemme : comment garantir une équité perçue entre des collaborateurs aux réalités de travail hétérogènes ?
Cet article analyse les effets concrets de ces inégalités, les tensions qu’elles génèrent, et les leviers activables pour préserver la confiance collective.

Des effets d’injustice qui se jouent dans les détails
Selon une étude d’Owl Labs, 49 % des managers estiment que les membres de leur équipe travaillant à distance ne bénéficient pas de retours spontanés sur leur travail [1].
Une remarque anodine en visio, une décision prise à la machine à café… et c’est un sentiment d’inéquité qui s’installe.
Plus insidieux encore, les collaborateurs en présentiel accèdent plus facilement à l’information informelle, bénéficient d’interactions spontanées, et deviennent peu à peu les visages familiers de l’organisation.
Ces écarts d’accès au manager, à la reconnaissance ou aux opportunités d’évolution ne sont pas toujours intentionnels.
Mais ils fragilisent le lien de confiance, nourrissent les soupçons de favoritisme, et réduisent la motivation des plus distants.
Les managers eux-mêmes peinent parfois à objectiver leurs propres biais.
Comme le rappelle le baromètre Empreinte Humaine, 62 % des managers reconnaissent avoir plus de mal à évaluer les performances des salariés en télétravail [2].
Tensions vécues : quand l’équité devient une ligne de crête
Dans une agence de conseil parisienne, un manager décide de réserver les réunions stratégiques au présentiel, pour favoriser l’interaction.
Rapidement, deux consultants hybrides alertent sur le fait qu’ils ne sont plus inclus dans certaines décisions-clés.
Le manager rectifie le tir, mais le mal est fait : les concernés se sentent relégués.
Cette scène, rapportée dans une enquête menée par Lecko, illustre à quel point les décisions logistiques peuvent avoir un impact symbolique fort [3].
À l’inverse, dans une ETI industrielle, l’excès de précaution a conduit à la paralysie : pour éviter toute inéquité, les managers ont généralisé les réunions en distanciel, même quand tous les participants étaient présents… sauf un.
Résultat : des équipes frustrées, des échanges appauvris, et une efficacité en baisse.
L’obsession d’équité perçue finit parfois par nuire à l’efficacité collective.
Les angles morts du management hybride
Manager une équipe hybride, c’est souvent gérer sans voir.
L’absence physique rend plus difficile la détection des signaux faibles : tensions, mal-être, désengagement.
Selon une étude de Bpifrance Le Lab, 47 % des dirigeants de PME déclarent avoir perdu en proximité managériale depuis la mise en place du travail hybride [4].
Ce déficit de présence entraîne aussi des erreurs d’interprétation : un salarié peu visible devient suspecté de désengagement, alors qu’il fait preuve d’autonomie.
À l’inverse, une présence physique régulière peut masquer une performance moyenne.
Ces biais de perception, souvent inconscients, influencent les retours donnés, les arbitrages, voire les promotions.
Restaurer l’équité : des leviers concrets, mais exigeants
L’équité dans une équipe hybride ne repose pas sur le traitement égal, mais sur l’attention portée aux réalités différenciées.
Plusieurs leviers peuvent y contribuer :
- Synchroniser les règles du jeu : clarifier les attendus, les modalités de travail, les critères d’évaluation pour tous, quel que soit le lieu de travail.
- Ritualiser la présence managériale à distance : points individuels réguliers en visio, feedback structuré, reconnaissance visible des contributions.
- Évaluer à partir des résultats, pas de la présence : basculer vers des indicateurs objectivables et partagés.
- Favoriser la transparence des décisions : expliciter les arbitrages, rendre les critères de choix lisibles.
Certaines entreprises comme Orange ont formalisé des chartes d’équipe hybride, négociées collectivement, pour poser un cadre équitable.
Résultat : une réduction significative des tensions internes liées à l’organisation du travail, selon leur bilan RH 2023 [5].

Conclusion
Manager une équipe hybride sans créer d’injustices, c’est accepter l’inconfort d’une posture en mouvement.
Cela suppose d’être vigilant à l’invisible, de questionner ses propres pratiques, et d’oser des ajustements réguliers.
L’équité ne se décrète pas : elle se construit dans la durée, par des gestes managériaux concrets, visibles et explicites.
Là où cette attention est présente, la confiance se renforce, et les modes de travail hybrides deviennent un levier d’engagement durable.
À retenir
- Le travail hybride crée des déséquilibres perçus entre collaborateurs présents et distants.
- Les managers doivent être attentifs aux biais d’attention, de reconnaissance et d’information.
- L’équité ne passe pas par l’égalité stricte, mais par l’adaptation aux réalités de chacun.
- Des pratiques claires, transparentes et concertées renforcent la confiance collective.
- La vigilance managériale est le socle d’un modèle hybride réellement soutenable.
Sources & références
- Owl Labs (2023). État des lieux du travail hybride en France. Rapport annuel sur les tendances du travail hybride. Lire l’article
- Empreinte Humaine (2023). Baromètre sur la santé psychologique des salariés. Lire l’article
- Lecko (2023). Rapport sur les pratiques collaboratives en contexte hybride. Lire l’article
- Bpifrance Le Lab (2023). Enquête de conjoncture auprès des PME. Lire l’article
- Orange (2023). Accord sur le dialogue social au sein de l’UES. Lire l’article