Le management n’est pas né avec l’entreprise : retour sur ses origines invisibles

Bien avant l’ère industrielle, des formes de management existaient déjà.

Dans les tribus, les monastères, les armées, les guildes, mais aussi chez les Sumériens, les Babyloniens, les Égyptiens, les Grecs, les Indiens ou les Vénitiens, des figures d’organisation posaient les bases d’un pilotage collectif.

Revisiter ses racines, c’est éclairer autrement les postures managériales d’aujourd’hui (1)

origines du management

Le management précède l’entreprise

On associe souvent le management à l’entreprise moderne. Pourtant, la gestion collective précède largement la révolution industrielle.

Des sociétés tribales aux bureaucraties impériales, les humains ont toujours dû organiser la répartition des tâches, maintenir la cohésion et prendre des décisions partagées. (1)

Des formes anciennes de coordination, sur tous les continents

  • Chez les Sumériens, des règles écrites encadrent l’usage des ressources dès 3000 av. J.-C.
  • Les Babyloniens codifient les responsabilités professionnelles dans le Code d’Hammurabi.
  • En Égypte, la construction des pyramides mobilise des milliers de travailleurs coordonnés.
  • En Grèce, l’oikonomia définit l’art de gérer une maison, préfigurant l’optimisation.
  • En Chine impériale, les fonctionnaires sont sélectionnés, évalués, supervisés.
  • En Inde, le traité de l’Arthashastra détaille les fonctions du dirigeant.
  • Même les sociétés tribales préhistoriques pratiquaient un leadership partagé.
  • Les Vénitiens du XIIIᵉ siècle géraient flottes, risques et apprentissages collectifs.

Comme le souligne PasseportManager :

« Partout où il y a eu coopération durable, il y a eu des formes d’organisation, de pilotage, et donc… de management. »(1)

Trois figures occidentales encore très influentes

  • Les monastères : ritualiser l’équilibre collectif

    La règle de saint Benoît (VIᵉ siècle) organise la vie monastique autour du travail, de la rotation des tâches et de l’exemplarité.

    « L’abbé aura soin de régler toutes choses de manière à ce que les forts aient de quoi s’exercer, et les faibles, rien à redouter. » (chap. 64)

    Un modèle fondé sur le sens, plus que sur la hiérarchie stricte

  • L’armée : efficacité, discipline et exemplarité

    De Rome à Napoléon, les armées structurent l’action collective par :

    la chaîne de commandement

    la répartition claire des rôles

    la reconnaissance du mérite

     

  • Les guildes : co-régulation et responsabilité partagée

    Les corporations d’artisans régulent les entrées, les savoirs, et la qualité.

    Le pouvoir est partagé entre pairs élus ; les décisions se prennent en assemblée. (2)

De la pratique empirique à la discipline scientifique

Pendant des siècles, le management reste empirique : transmis, contextualisé, parfois sacralisé.

Mais la révolution industrielle bouleverse tout :

  • les volumes augmentent

     

  • la complexité explose

     

  • la vitesse s’impose

     

Le pilotage du travail devient alors un objet d’analyse.

Les premières grandes théories :

  • Taylor systématise la division du travail

     

  • Fayol définit les fonctions du dirigeant

     

  • Weber théorise la bureaucratie comme forme rationnelle

     

Le management devient une discipline enseignée, mais ses tensions – contrôle ou autonomie, hiérarchie ou participation – sont déjà anciennes. (3)

Détour par l’étymologie : de la main à l’accompagnement

Le mot management vient du latin manus (la main), via l’italien maneggiare (entraîner un cheval).

Son sens premier évoque l’art de guider avec souplesse, non de contraindre. (4)

Un rappel utile : il s’agit moins d’imposer un pouvoir que d’exercer une présence habile et orientante.

Leadership : une autorité en mutation

Autrefois statutaire (abbé, capitaine, maître), l’autorité devient relationnelle :

Le leader inspire, incarne, fédère.

Mais la question de fond reste la même :

À quoi sert l’autorité ? 

À faire obéir… ou à faire grandir ? (5)

Conclusion – Revisiter nos fondations pour mieux choisir notre posture

Le management n’est ni neutre, ni récent.

Il est ancré dans des traditions culturelles, des réponses locales à des enjeux universels.

À l’heure où les repères managériaux se recomposent, revisiter ces racines permet de nourrir une posture plus consciente :

  • La ritualisation monastique rappelle l’importance du sens collectif

  • La clarté militaire souligne l’utilité des rôles bien définis

  • La co-responsabilité des guildes inspire des gouvernances distribuées

  • L’expérience impériale chinoise ou indienne montre que performance et stabilité peuvent coexister

Réinventer le management, ce n’est pas oublier ses origines.

C’est au contraire les assumer… pour mieux les transcender.

À retenir

  • Le management ne date pas du XXᵉ siècle : il est aussi ancien que les premières formes d’organisation collective.

  • Monastères, armées, guildes ou empires ont forgé des modèles encore visibles aujourd’hui.

  • La formalisation du management est récente, mais ses dilemmes sont anciens : autonomie ou hiérarchie, sens ou procédure, exemplarité ou pouvoir.

  • Revenir à l’histoire, c’est retrouver des repères pour inventer un management plus incarné et plus humain.

Sources & références

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