Et si on décidait moins ? L’anti-mythe du manager omniscient

Le manager qui sait tout, décide tout et contrôle tout : ce fantasme hérité du XXe siècle continue de hanter de nombreuses organisations. Mais à l’heure de l’incertitude et de la complexité, ce modèle s’effondre. Et si le vrai courage managérial, c’était de décider moins, mais mieux – avec les autres ?

Et si on décidait moins ? L’anti-mythe du manager omniscient

1. Le mythe persistant du manager omniscient

Certaines images ont la vie dure. Celle du manager tout-puissant, omniscient, censé tout maîtriser sans faille, en fait partie.

Elle alimente des attentes irréalistes – disponibilité totale, réponses immédiates, contrôle absolu – qui isolent, épuisent et freinent la contribution des équipes [1].

Les limites et dangers de ce modèle

Ce mythe a un coût :

  • Auto-censure des équipes

  • Isolement du manager

  • Centralisation inefficace

  • Confusion entre erreur et incompétence [2]

Dans une organisation complexe, personne ne peut – ni ne doit – tout décider seul.

L’humilité comme clé d’un management efficace

Dire « je ne sais pas » n’est pas une faiblesse, c’est une preuve de lucidité.

Des outils comme le Delegation Poker permettent de clarifier les rôles décisionnels, en équipe, selon les enjeux [3].

Cette posture favorise la responsabilisation progressive, sans renoncer à l’exigence.

L’intelligence collective au cœur de la décision

Le rôle du manager évolue : il ne décide plus seul, il orchestre les décisions collectives.

Quelques pratiques utiles :

  • Cartographie des décisions (Delegation Board)

  • Comités d’arbitrage par thème ou par métier

  • Réunions de co-décision avec critères explicites

Des entreprises comme Buurtzorg ou Spotify illustrent cette approche.

Chez Buurtzorg, l’autonomie d’équipe a réduit de 30 % le temps de coordination et augmenté la satisfaction au travail [4].

Chez Spotify, les squads autonomes accélèrent les décisions et la mise en œuvre [5].

Attention toutefois : le modèle Spotify, bien que séduisant, a ses limites (problèmes d’alignement stratégique, interdépendances non gérées) [6].

Même les leaders traditionnels changent

Carlos Ghosn, lors du Nissan Revival Plan, déclarait :

« Je ne crois pas à un management où tout vient d’en haut. Les solutions sont souvent dans l’entreprise, chez ceux qui vivent les problèmes au quotidien. » [7]

Un aveu de lucidité, même dans un contexte de gestion de crise à haute intensité.

Résistances et peurs liées à la perte de contrôle

Beaucoup de managers redoutent de « perdre la main » s’ils délèguent ou impliquent davantage.

Mais ce changement de posture n’est pas un abandon, c’est un repositionnement : du contrôle à l’orientation, du pouvoir au soutien.

Des rituels simples peuvent accompagner cette évolution :

  • Feedback croisé hebdomadaire

  • Co-validation des arbitrages clés avec deux membres de l’équipe

  • Débrief collectif après chaque décision majeure

Le rôle réel du manager : complexité, paradoxes, arbitrages

Le quotidien managérial n’a rien d’héroïque. Il demande de :

  • Décider sans tout savoir

  • Avancer sans certitudes

  • Écouter sans renoncer à trancher

Ce rôle est un exercice d’équilibre permanent, et un acte politique au sens noble : créer un cadre où chacun peut contribuer, comprendre, et progresser ensemble [1].

Conclusion : décider moins, décider mieux

Dans un monde instable, le vrai leadership ne consiste pas à détenir toutes les réponses, mais à créer les conditions pour que les bonnes décisions émergent.

Décider moins, c’est faire place à l’intelligence collective.

Décider mieux, c’est savoir quand passer la main.

C’est un acte d’humilité – et de puissance tranquille.

À retenir

  • Le mythe du manager omniscient isole, épuise et freine les équipes

  • L’humilité managériale renforce la qualité des décisions collectives

  • Des outils existent pour répartir les responsabilités sans perdre en clarté

  • L’autonomie des équipes nécessite un cadre explicite, pas un retrait du manager

  • Le manager moderne est un facilitateur, pas un décideur solitaire

Sources & références

  1. Passeport Manager (s.d.). Management : responsabilités, mythes et réalités. Analyse des responsabilités et des mythes associés au rôle de manager. Lire l’article
  2. Innovation Managériale (s.d.). Tour du monde des innovations managériales. Exploration des pratiques managériales innovantes à travers le monde. Lire l’article
  3. Klaxoon (s.d.). Delegation Poker : déléguer les décisions en équipe. Présentation de l’outil Delegation Poker pour clarifier les niveaux de délégation. Lire l’article
  4. Bienvenu dans les SAP (s.d.). Buurtzorg, modèle inspirant pour le service à la personne. Étude de cas sur le modèle d’autonomie de Buurtzorg. Lire l’article
  5. Atlassian (s.d.). Le modèle Spotify pour déployer Agile à grande échelle. Analyse du modèle Spotify et de son application à grande échelle. Lire l’article
  6. OyoMy (2020). L’échec du modèle Spotify. Retour d’expérience sur les limites du modèle Spotify. Lire l’article
  7. Le Monde (2025). Nissan misjudged its vulnerability by unraveling its alliance with Renault. Analyse des déclarations de Carlos Ghosn sur le management participatif. Lire l’article

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