Ce que votre comportement dit de votre management
Un manager n’est jamais neutre, même quand il ne dit rien. Surtout quand il ne dit rien.
Regard qui fuit, bras croisés, sourire forcé : chaque geste construit — ou détruit — une dynamique d’équipe. Et souvent, sans le vouloir, ce sont ces détails qui trahissent votre rapport au pouvoir, à la confiance, à la reconnaissance.
Cet article décrypte ces signaux invisibles, mais visibles de tous. Et vous confronte à une vérité dérangeante :
vous êtes lu, à chaque instant, par vos équipes.

Scène d’ouverture : “Je croyais qu’il m’appréciait”
Été 2023, dans une entreprise de conseil à Lyon. Clara, cheffe de projet, sort d’un point hebdomadaire avec son N+1. Elle pensait avoir toute sa confiance. Pourtant, en réunion, il a gardé les bras croisés pendant toute sa présentation, l’a interrompue deux fois et a enchaîné directement sur un autre sujet sans même la remercier.
Le soir même, elle confie à un collègue :
« J’ai compris. Il me tolère, mais il ne me valorise pas. »
Le manager, lui, ne comprend pas.
« Je ne vois pas où est le problème. J’étais juste concentré. »
Ce que vous croyez montrer… n’est pas ce que les autres voient
L’écart entre intention et perception est l’un des angles morts les plus dévastateurs du management.
Selon l’APEC, 72 % des cadres estiment faire preuve d’une communication claire, mais seulement 39 % des collaborateurs disent comprendre les signaux envoyés par leurs managers [1].
Pourquoi ce décalage ?
Parce que nous parlons tous deux langues à la fois : le verbal — maîtrisé — et le corporel — souvent involontaire.
Et c’est ce second langage qui fait autorité.
Vous dites faire confiance ? Vos gestes disent le contraire
Dans une étude menée par Empreinte Humaine, 62 % des salariés affirment avoir déjà interprété un comportement managérial comme une forme de mise à distance ou de méfiance, même sans message explicite [2].
Paul Ekman l’a montré : notre visage trahit ce que nous ne voulons pas montrer. Un haussement de sourcil, un micro-sourire de dépit, un froncement de nez — tout cela parle. Plus fort que les mots.
Un coach interrogé par Liaisons Sociales le résume ainsi :
« Le corps est toujours en avance sur le discours. »
Ponctualité, disponibilité, regard : des signaux hiérarchiques
Votre manière d’entrer en salle de réunion, votre façon de répondre aux mails, votre gestion des interruptions : tout cela installe une hiérarchie implicite.
Et si vous croyez qu’être “disponible pour tous” suffit, sachez que vos comportements disent souvent l’inverse.
Dans un programme d’observation mené chez TotalEnergies, des managers pensaient pratiquer l’écoute active. Mais les vidéos montraient autre chose : ils réagissaient plus vite aux hommes qu’aux femmes, souriaient davantage aux profils seniors qu’aux juniors.
Ces écarts non intentionnels produisent des effets bien réels : sentiment d’injustice, de sur-contrôle, ou de favoritisme.
Le langage non verbal en situation critique
C’est face à l’échec, au conflit ou à l’imprévu que le style managérial se dévoile sans fard.
Une étude de l’Institut Montaigne (2022) sur le leadership en temps de crise montre que ce sont les premiers gestes du manager, plus que ses décisions stratégiques, qui façonnent la dynamique de confiance dans l’équipe [3].
Les leaders les plus efficaces ne sont pas ceux qui “savent”, mais ceux qui gardent une présence calme, posent des questions, reconnaissent l’incertitude sans panique.
Le comportement — corporel et verbal — devient ainsi un levier de stabilisation.
Vous croyez être neutre ? Vous êtes déjà lu
Un témoignage d’une DRH issue du réseau ANDRH le confirme :
« Les managers croient souvent que l’égalité passe par un traitement identique. Mais ils félicitent certains, ignorent d’autres, et ne se rendent même pas compte de l’asymétrie. »
Les collaborateurs, eux, la remarquent.
Un rapport de Kantar (2023) indique que l’impression d’équité comportementale est plus déterminante pour l’engagement que l’équité réelle des décisions [4].
Autrement dit : ce que vous montrez compte plus que ce que vous faites.
Lire ses propres gestes : un acte de courage
Certaines entreprises osent affronter cette réalité. Feedback 360°, co-développement filmé, auto-analyse comportementale : des dispositifs de plus en plus courants, mais encore peu exploités.
Pourquoi ? Parce qu’ils confrontent à une vérité dure : vous n’êtes pas perçu comme vous le pensez.
Et ça, peu de managers sont prêts à l’entendre.
Mais ceux qui l’acceptent… progressent.
Conclusion
Il n’y a pas de leadership sans conscience de soi.
Et il n’y a pas de conscience de soi sans confrontation aux regards des autres.
Un bon manager n’est pas seulement quelqu’un qui dit les bonnes choses : c’est quelqu’un dont les gestes, les choix, les silences incarnent ce qu’il veut transmettre.
Le corps parle toujours. Reste à savoir si vous l’écoutez.
À retenir
- Vous êtes observé, interprété, et parfois mal compris — même sans parler.
- Le non-verbal pèse plus lourd que les mots, surtout en situation sensible.
- Micro-gestes, biais d’attention, réactions à chaud définissent votre style réel.
- L’équité perçue dépend plus du comportement que des règles.
- Se confronter à son langage corporel est une exigence managériale, pas une coquetterie RH.
Sources & références
- APEC (2022). Pratiques managériales 2022 : davantage d’attention portée… Étude sur les perceptions croisées cadres/collaborateurs. Lire l’article
- Empreinte Humaine (2020). Détresse psychologique des salariés français : l’urgence d’agir. Étude OpinionWay sur les signaux implicites. Lire l’article
- Institut Montaigne (2022). Diriger en temps de crise : quelles postures pour les leaders ? Étude sur les comportements managériaux face à l’incertitude. Lire l’article
- Kantar Public pour le MEDEF (2023). Baromètre de perception de l’égalité des chances en entreprise. Étude sur les perceptions comportementales. Lire l’article
- ANDRH (2017). RH 7.0 – Les scénarii prospectifs des métiers des ressources humaines. Réflexion sur les biais comportementaux. Lire l’article