Valeurs affichées ou vraies croyances d’entreprise ?
Dans un monde où la réputation et l’engagement sociétal sont devenus des leviers stratégiques, les entreprises affichent volontiers leurs valeurs. Mais ces valeurs sont-elles réellement incarnées au quotidien, ou restent-elles des slogans ? Cet article explore la différence entre valeurs affichées et croyances vécues, et propose des pistes pour aligner discours et pratiques.

Valeurs d’entreprise : entre affichage et réalité
« La culture mange la stratégie au petit-déjeuner. » — Peter Drucker
Les valeurs d’entreprise occupent une place centrale dans la communication institutionnelle. Elles sont omniprésentes : affichées dans les halls, inscrites sur les sites internet, répétées lors des séminaires. Pourtant, selon une étude de l’Apec (2022), les cadres expriment la volonté d’un investissement plus viable, source d’un meilleur équilibre de vie entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle (1).
Cette dissonance entre discours et vécu peut fragiliser la confiance, générer du cynisme et nuire à l’engagement collectif.
Pourquoi les valeurs affichées ne deviennent-elles pas toujours des croyances ?
Le piège du storytelling corporate
Dans la quête de sens et d’image, certaines entreprises privilégient la communication au détriment de l’authenticité. Les valeurs sont alors choisies pour leur attractivité, non pour leur ancrage dans le quotidien des équipes.
L’absence d’incarnation managériale
Les valeurs ne prennent vie que si elles sont incarnées par les dirigeants et les managers. Lorsque l’exemplarité fait défaut, le fossé entre discours et actes se creuse.
Le manque d’alignement avec les pratiques RH
Des processus d’évaluation, de recrutement ou de reconnaissance qui contredisent les valeurs affichées sapent leur crédibilité.
La pression des résultats à court terme
Sous la contrainte des objectifs financiers, les valeurs peuvent être reléguées au second plan, perçues comme une option et non comme un socle structurant.
Les conséquences d’un écart entre valeurs affichées et croyances vécues
- Cynisme et désengagement : les collaborateurs deviennent sceptiques face aux discours institutionnels.
- Perte de confiance : le décalage entre le dire et le faire mine la crédibilité du management.
- Difficultés de recrutement : les nouvelles générations, sensibles à l’authenticité, fuient les organisations incohérentes.
- Risques réputationnels : une crise peut révéler un écart entre les promesses et la réalité, avec un fort impact d’image.
Un rapport de l’Institut de l’Entreprise (2023) souligne que les entreprises alignées sur leurs valeurs déclarent un taux de rétention des talents supérieur de 25 % à la moyenne nationale (2).
Comment transformer les valeurs affichées en croyances collectives ?
Co-construire les valeurs avec les équipes
Impliquer les collaborateurs dans la définition ou la redéfinition des valeurs garantit leur pertinence et favorise leur appropriation.
Incarner les valeurs au quotidien
Les dirigeants et managers doivent incarner les valeurs, en les traduisant dans leurs décisions et postures.
Aligner les processus RH
Chaque étape du parcours collaborateur (recrutement, intégration, évaluation) doit refléter les valeurs de l’entreprise.
Valoriser les comportements cohérents
Des rituels de reconnaissance renforcent l’adhésion aux valeurs dans la durée. Chez Decathlon, par exemple, les équipes organisent chaque trimestre une « cérémonie des valeurs » où les collaborateurs votent anonymement pour désigner un collègue ayant incarné une des valeurs clés de l’entreprise. Ce rituel, à la fois symbolique et festif, permet de rendre les valeurs visibles et vivantes, tout en nourrissant la cohésion d’équipe.
Accepter d’évoluer
Une culture vivante n’est pas figée. Les valeurs doivent pouvoir être réinterrogées et adaptées en fonction des contextes.

Exemple concret
- Leroy Merlin a organisé une refonte de ses valeurs via des ateliers participatifs réunissant l’ensemble de ses collaborateurs, afin d’ancrer ces principes dans les pratiques opérationnelles (3).
- Bpifrance a intégré des critères comportementaux liés aux valeurs dans ses entretiens annuels et ses outils de reconnaissance interne (4).
Conclusion
Les valeurs d’entreprise ne peuvent pas être de simples slogans. Elles doivent être partagées, incarnées et vécues. L’alignement entre discours et réalité managériale est une clé de l’engagement, de la fidélisation et de la performance durable. Co-construire, incarner et ajuster : voilà les trois leviers d’une culture d’entreprise vivante et crédible.
À retenir
- L’affichage de valeurs ne suffit pas : seule l’incarnation quotidienne leur donne du poids.
- Un écart entre discours et réalité fragilise l’engagement et la réputation.
- L’alignement des pratiques RH est essentiel à la crédibilité des valeurs.
- Les collaborateurs doivent être impliqués dans la définition et l’actualisation des valeurs.
- Des exemples concrets montrent que cet alignement est un levier puissant de fidélisation.
Sources & références
- Apec (2022). La relation des cadres à leur entreprise. Étude sur l’engagement et les attentes des cadres vis-à-vis de leur entreprise. Lire l’article
- Institut de l’Entreprise (2023). Sociétal – Travail et engagement. Analyse sur l’alignement entre valeurs et fidélisation des talents. Lire l’article
- Leroy Merlin (2025). Vision, le futur se construit avec tous. Présentation des initiatives de co-construction des valeurs avec les collaborateurs. Lire l’article
- Bpifrance (2025). Valeurs d’entreprise : comment les définir ?. Exemples de mise en œuvre des valeurs dans les pratiques managériales. Lire l’article