Faut-il officialiser les rôles de référents, coordinateurs et leaders informels ?
Référents techniques, animateurs d’équipe, relais de terrain : ils sont au cœur des dynamiques collectives, sans pour autant occuper une fonction officielle. Leur rôle est souvent implicite, informel… et pourtant indispensable. Faut-il leur donner un statut ? Les intégrer à l’organigramme ? Les promouvoir ? Ou préserver leur influence en dehors du pouvoir hiérarchique ? Une tension que de nombreuses organisations doivent apprendre à arbitrer.

Le poids croissant des rôles informels
Dans les organisations agiles ou hybrides, la réalité dépasse souvent le formalisme des fiches de poste.
Des collaborateurs assurent des fonctions de coordination, de soutien, de transmission sans qu’aucune ligne hiérarchique ne le mentionne.
Selon une analyse de Vorecol, ces “leaders informels” jouent un rôle central dans la performance collective : ils fluidifient les échanges, régulent les tensions, impulsent des dynamiques… souvent dans l’ombre du pouvoir formel [1].
Un rôle essentiel… mais rarement reconnu
Selon une enquête de Gallup, 69 % des salariés se sentent plus motivés lorsqu’ils reçoivent des remerciements informels de la part de leurs collègues ou de leurs supérieurs [3].
Et les leaders informels sont les plus exposés à cette invisibilité. Ils assument des responsabilités sans statut, sans formation, sans rétribution spécifique. Ils prennent sur eux, sans filet. Et parfois, ils s’épuisent sans que personne ne voie venir l’alerte.
Une étude relayée par Vorecol montre qu’un tiers des personnes ayant pris des responsabilités sans titre officiel n’ont bénéficié d’aucun accompagnement, ni managérial ni RH [1].
Exemple : quand l’officialisation transforme un leader informel
Dans une entreprise de services, Julie était reconnue comme la référente technique de son équipe. Toujours disponible, elle coordonnait spontanément les projets transverses. La direction lui a proposé un poste officiel de coordinatrice, qu’elle a accepté.
Mais cette officialisation a changé son positionnement : certains collègues la percevaient désormais comme une supérieure. La pression a augmenté, sa marge de manœuvre a diminué.
Grâce à un accompagnement RH (clarification des missions, formation, espace de feedback), Julie a pu retrouver un équilibre et préserver l’essence de son influence informelle [4].
Dimension culturelle et générationnelle
La reconnaissance des rôles informels varie selon la culture d’entreprise et les générations.
Dans les structures collaboratives, ces rôles sont valorisés et évolutifs. Dans les environnements plus hiérarchiques, ils restent souvent invisibles.
Les jeunes générations, en particulier, attachent de l’importance à la reconnaissance transversale et à l’impact plus qu’au titre [3].
Outils digitaux : un levier pour la reconnaissance
Les outils collaboratifs (Slack, Teams, Trello…) permettent d’identifier, valoriser et soutenir les rôles informels au quotidien [4].
Ces espaces favorisent la mise en visibilité des contributions transverses, même sans responsabilité formelle.
Les RH peuvent aussi y détecter des signaux faibles, suivre les dynamiques de groupe et proposer un accompagnement adapté [5].
Reconnaître sans exploiter
Reconnaître un rôle informel ne doit pas être un moyen de transférer des responsabilités sans soutien.
Une démarche éthique s’impose :
- Pas de surcharge non rémunérée
- Formation adaptée
- Respect du choix du collaborateur
- Cadre clair et évolutif
La reconnaissance doit être un levier d’épanouissement, pas un piège [6].
Faut-il systématiser l’officialisation ?
Pas nécessairement.
Des études sur la dynamique des rôles informels rappellent que certains leaders informels perdent leur efficacité s’ils sont institutionnalisés [1]. Leur légitimité reposait justement sur leur liberté de parole et leur posture transversale.
La reconnaissance peut aussi être :
- Symbolique (mise en lumière en réunion [2])
- Fonctionnelle (responsabilités ponctuelles)
- Évolutive (mission-test accompagnée)
Quels bénéfices pour l’organisation ?
Selon Vorecol, les équipes qui reconnaissent leurs leaders informels voient leur productivité augmenter jusqu’à 25 % [1].
De plus, 70 % des interactions collectives à forte valeur ont lieu en dehors des rôles formels.
Ces rôles contribuent à la fluidité, la régulation et la cohésion. Mais ils demandent à être repérés, accompagnés, protégés.
Un cadre pour officialiser sans dénaturer
Voici une démarche en 5 étapes :
- Identifier les relais de terrain
- Dialoguer sur leurs attentes et limites
- Définir le rôle et les conditions de reconnaissance
- Accompagner (formation, pair-à-pair, RH)
- Évaluer l’impact et ajuster au besoin
Cette méthode permet d’éviter les effets pervers tout en soutenant l’influence positive.

Conclusion : reconnaître sans figer
Reconnaître les leaders informels, c’est sortir d’une vision statutaire du management.
C’est admettre que l’impact précède parfois le titre, et que les collectifs reposent sur des figures souvent invisibles.
Mais c’est aussi une responsabilité. Car sans cadre, ces acteurs risquent l’usure ou la mise à l’écart.
La reconnaissance, pour être juste, doit être adaptée, accompagnée, et en dialogue avec la culture de l’organisation.
À retenir
- Les rôles informels jouent un rôle décisif dans la dynamique collective
- Leur reconnaissance est souvent implicite, voire absente
- L’officialisation doit être choisie, préparée et accompagnée
- Il existe des formes de reconnaissance alternatives au statut
- Un cadre clair permet de valoriser sans figer ni exploiter
« Le véritable leadership ne s’impose pas, il se construit dans la confiance et la reconnaissance des autres. » [6]
Sources & références
- Vorecol (2024). L’impact des leaders invisibles sur la performance collective. Analyse du rôle des leaders informels dans la performance des équipes. Lire l’article
- Revue Gestion (2023). Sachez repérer et célébrer vos leaders informels. Identification et valorisation des leaders informels en entreprise. Lire l’article
- Gallup (2016). How Millennials Want to Work and Live. Enquête sur les attentes des Millennials en matière de reconnaissance au travail. Lire l’article
- Slack (2023). Why nearly 80% of Fortune 100 companies rely on Slack Connect to build their digital HQ. Utilisation des outils numériques pour soutenir les leaders informels. Lire l’article
- Microsoft WorkLab (2024). Four Ways Leaders Can Empower People for How Work Gets Done. Comment les outils numériques favorisent la collaboration transversale. Lire l’article
- Welcome to the Jungle (2020).Par quoi passe la reconnaissance au travail ? Analyse des mécanismes de reconnaissance et de leur impact sur la motivation et la performance des salariés. Lire l’article