De relais informel à manager reconnu : comment réussir la transition
De plus en plus de salariés exercent un rôle d’influence sans avoir de titre officiel. Mais lorsque leur posture se formalise, tout un équilibre doit être reconstruit : nouveau regard, nouvelles responsabilités, nouvelles attentes. Comment réussir cette bascule sans perdre la confiance acquise ?
Cet article propose des repères concrets pour faire de cette transition un levier d’engagement durable.

Une transition qui ne va pas de soi…
Dans bien des organisations, on confie la coordination d’une équipe à un collaborateur expérimenté, sans titre formel. Il ou elle fédère, organise, rassure… puis un jour, la reconnaissance arrive : une nomination officielle, un poste de manager, une responsabilité hiérarchique.
Mais à cet instant, tout change.
Ce qui relevait de l’influence relationnelle devient autorité statutaire.
Ce qui était informel s’institutionnalise.
Et la reconnaissance attendue peut soudain fragiliser ce qui faisait la force du relais informel.
Comprendre le rôle stratégique du relais informel
Les relais informels sont ces personnes-clés qui irriguent la dynamique collective sans y être officiellement mandatées :
- Consultés spontanément par leurs collègues
- Diffuseurs d’information dans les creux de la hiérarchie
- Leaders de proximité et régulateurs sociaux
Leur force repose souvent sur :
- Une expertise respectée
- Une posture aidante (écoute, réassurance, médiation)
- Une capacité à donner du sens en temps réel
« Le leadership d’influence se construit autant dans les échanges informels que dans les actions formelles. C’est lors de ces moments informels que la crédibilité et la confiance dans le manager se construisent. » (6)
À ce titre, ces relais informels participent à la stabilité des équipes. Leur reconnaissance institutionnelle semble alors logique… mais elle n’est jamais neutre.
Passer du rôle informel à la fonction managériale : un changement de posture
Une nouvelle grammaire relationnelle
La transition vers un poste de manager signifie que :
- L’ancien pair devient le responsable direct
- L’influence relationnelle devient autorité structurelle
- La légitimité repose aussi sur la capacité à assumer des décisions et à cadrer l’action
Cela suppose :
- De redéfinir ses relations avec l’équipe
- D’assumer des arbitrages parfois impopulaires
- Et de porter les attentes de l’organisation sans renier ses valeurs
Une tension identitaire forte
Ce passage génère des tensions internes :
- Peur de trahir ses anciens collègues
- Doute sur sa légitimité managériale
- Inquiétude de décevoir ou de perdre en proximité
C’est pourquoi cette transition doit être accompagnée activement, tant sur le plan émotionnel que professionnel.
Clés pour réussir la transition
Conserver l’essence de l’informel dans le cadre formel
L’écoute, la disponibilité, la reconnaissance implicite : ces dimensions doivent être préservées, mais articulées à un cadre clair.
Exemple : maintenir des temps d’échange informels, tout en instaurant des rituels managériaux (points d’équipe, feedbacks, cadrage d’objectifs) (6).
Reconnaître les efforts : matière première de la légitimité
La reconnaissance ne peut pas se limiter à la nomination. Elle doit s’exprimer dans :
- Des feedbacks individualisés
- La valorisation des réussites
- La mise en lumière du collectif, même sans prime ou promotion immédiate(1)
Communiquer de manière claire, régulière et sincère
La nomination d’un manager génère des projections. Il est donc essentiel de :
- Nommer ce qui change (périmètre, posture, attentes)
- Rassurer sur ce qui demeure (valeurs, style relationnel)
- Expliciter les décisions prises au nom du collectif (2)
Se former, s’évaluer, progresser
Manager ne s’improvise pas. Il faut :
- Se former à la gestion d’équipe et à la communication
- Pratiquer l’auto-évaluation régulière (bilan trimestriel, feedback 360)
- Recourir à des ressources d’apprentissage continues (MOOC, plateformes internes) (3)
Être soutenu par la hiérarchie et inscrit dans une culture propice
Le soutien du N+1 est essentiel pour :
- Légitimer la prise de poste
- Cadrer les priorités
- Donner droit à l’erreur (4)
Mais la culture d’entreprise compte tout autant.
Une organisation qui valorise l’autonomie, le feedback et la transversalité favorise les transitions réussies (5).
Témoignage réel
« Quand j’ai été promue manager après avoir longtemps joué un rôle de référente informelle, j’ai ressenti beaucoup de pression : peur de perdre la confiance de mes anciens collègues, peur de ne pas être à la hauteur. Ce qui m’a aidée, c’est le soutien de mon N+1, la formation à la posture managériale, et le fait de continuer à organiser des moments informels avec l’équipe. Aujourd’hui, je me sens à ma place, mais cette transition demande du temps et de l’humilité. »
— Claire, manager logistique (2)
Indicateurs de succès pour la transition
Pour évaluer la réussite de la bascule, plusieurs indicateurs peuvent être suivis :
- Le taux de rétention de l’équipe
- Le niveau d’engagement des collaborateurs
- La qualité des feedbacks reçus
- La progression des objectifs collectifs (7)
Dimension interculturelle
La reconnaissance d’un rôle informel dépend du contexte culturel :
- Dans les pays nordiques ou les entreprises libérées, la transition est facilitée.
- Dans les organisations très hiérarchisées, elle demande un accompagnement renforcé (6).
Ce qu’il faut éviter à tout prix
- Croire que l’autorité suffit : le statut ne remplace pas la confiance.
- Rester dans le flou : une posture ambivalente fragilise l’équipe.
- Vouloir tout faire seul : s’isoler renforce les doutes, pas la légitimité.
Conclusion : un leadership d’ancrage et de transformation
Le passage du relais informel au manager reconnu n’est pas une rupture, mais une transformation.
C’est en gardant son ancrage relationnel tout en assumant une autorité claire que le manager peut devenir un pilier solide pour son équipe.
Un bon manager n’impose pas : il relie.
Et dans un monde professionnel en quête de sens et de confiance, cette capacité à conjuguer proximité et exigence est plus précieuse que jamais.
À retenir
- La reconnaissance officielle d’un rôle informel transforme radicalement la posture.
- Le maintien du lien de confiance repose sur la clarté, la constance et l’ancrage relationnel.
- L’accompagnement de la hiérarchie et la formation sont des leviers essentiels pour réussir cette transition.
Sources & références
- Lefebvre Dalloz (2023). Reconnaissance au travail : un élément décisif de la boîte à outils du manager. Clés pour intégrer la reconnaissance au quotidien managérial. Lire l’article
- Fondation Jean Jaurès (2022). Le nouveau rôle central des managers et l’enjeu de la reconnaissance au travail. Réflexion sur la fonction managériale dans les mutations du travail. Lire l’article
- DGAFP (2023). La boussole du manager : Valoriser les savoir-être professionnels. Guide pratique pour accompagner les managers dans leurs transitions. Lire l’article
- SVP (2024). Expérience collaborateur : le rôle essentiel du manager. Lien entre qualité managériale et engagement collaborateur. Lire l’article
- Benjamin Chaminade (2024). Le management face à la crise de l’engagement. Analyse des défis actuels du leadership. Lire l’article
- Inspirations Management (2024). Le rôle de la machine à café dans votre management. Les échanges informels comme pilier de la confiance managériale. Lire l’article
- Mieux Le Mag (2024). Quand, comment et pourquoi faire appel à un manager de transition. Comparatif des usages et apports du management intérimaire. Lire l’article