Le courage managérial face aux dilemmes éthiques
On parle souvent de courage managérial comme d’une qualité héroïque. Mais dans les faits, il s’exprime surtout dans des zones grises : quand le manager doit choisir entre obéir… ou rester aligné. Ce n’est pas la force qui compte, mais la clarté intérieure et la capacité à assumer une position risquée.

« C’est non. Même si je le paie. » – Une décision à contre-courant
— « Je ne signerai pas ce courrier. Vous me demandez de valider des licenciements que je sais infondés. »
Silence autour de la table. Le directeur des opérations la regarde sans ciller.
— « Ce n’est pas à toi d’en juger. On attend de toi que tu assumes. »
— « Justement. Et assumer, pour moi, c’est refuser de cautionner ça. »
C’était en 2022, dans une PME industrielle de la région lyonnaise. La responsable RH, en poste depuis 6 ans, a tenu bon. Elle a perdu son poste. Et a témoigné anonymement dans une enquête publiée par HonesTia Values [1].
Ce type de situation reste rare, mais révélateur. Le courage managérial n’est pas une posture abstraite. C’est une tension concrète, vécue, où le manager devient le lieu de friction entre éthique personnelle et attentes institutionnelles.
La réalité des dilemmes : loyauté ou intégrité ?
Selon une étude citée par Nea RH Plus, les dilemmes éthiques en entreprise se traduisent par des tensions constantes entre loyauté hiérarchique et cohérence personnelle [2].
Les cas les plus fréquents ?
- Cautionner une mesure injuste envers un collaborateur
- Dissimuler des informations sensibles à une équipe
- Appliquer une politique contraire à la RSE affichée
- Privilégier les résultats court terme au détriment des valeurs affichées
Exemple : dans un réseau d’agences immobilières, une directrice régionale a reçu pour consigne de ne pas renouveler le contrat d’une collaboratrice enceinte, officiellement pour « baisse d’activité locale ». Officieusement, la direction évoquait son indisponibilité prochaine. Elle a refusé. Six mois plus tard, elle est mutée dans une zone difficile. Depuis, elle a quitté l’entreprise et témoigne anonymement dans les réseaux professionnels.
Le courage managérial : un choix coûteux, mais nécessaire
Dans un monde de plus en plus régulé, faire preuve de courage n’est pas sans conséquences. Le site Parlons RH rappelle que les cadres exposés à ces dilemmes sont nombreux à déclarer un sentiment d’isolement, voire d’injustice lorsqu’ils prennent position [3].
Mais à l’inverse, le renoncement répété abîme la santé morale des managers. Comme le résume un consultant cité par Nea RH Plus :
« Ce n’est pas le conflit qui use, c’est l’ambivalence. Le fait de devoir constamment taire ce que l’on pense. »
Prendre position sans se brûler : le courage intelligent
Le courage ne se limite pas à un « non » fracassant. Il peut s’exprimer de manière stratégique :
- Reformuler les directives pour en modifier le sens d’exécution
- Mobiliser les valeurs de l’entreprise pour ouvrir une alternative
- Créer des alliances internes pour porter la question éthique collectivement
- Rendre visibles ses dilemmes, sans entrer dans une logique de confrontation
Skill Connection parle ainsi de « courage invisible » : celui qui agit en creux, en influence, mais qui modifie durablement les pratiques [4].
Le courage comme acte de leadership
Selon une enquête menée par ADP RH Info, le courage est considéré comme la troisième compétence clé du manager de demain, juste après la capacité à fédérer et à décider [5].
C’est un levier d’influence puissant, à condition qu’il soit :
- Aligné : cohérent avec ses valeurs et celles de l’organisation
- Explicité : compris par les équipes, mis en récit
- Répété : ancré dans la durée et la régularité
Conclusion – Rester debout
Le courage managérial n’est pas un réflexe de héros solitaire. C’est une capacité d’ajustement, d’intégrité, de lucidité. Il suppose de faire des choix, parfois inconfortables, toujours exigeants.
Mais il permet aussi aux managers de rester debout dans un système mouvant, sans se trahir ni trahir les autres.
À retenir
- Les dilemmes éthiques en entreprise sont fréquents et souvent tus
- Le courage managérial a un coût, mais l’inaction en a un aussi
- Il existe des stratégies pour s’exprimer sans se mettre en danger
- Le courage renforce la légitimité, l’alignement et la cohésion
- C’est une compétence qui se cultive, pas une posture innée
Sources & références
- HonesTia Values (2023). Les dilemmes éthiques courants rencontrés par les responsables RH. Lire l’article
- Nea RH Plus (2024). Du dilemme éthique à la dissonance cognitive au travail. Lire l’article
- Parlons RH (2021). Les vertus acquises du courage managérial. Lire l’article
- Skill Connection (2023). Le courage managérial, moteur invisible de la transition durable. Lire l’article
- ADP RH Info (2018). Combiner éthique et management ? Lire l’article